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du jeudi 13 février 2014 à d'en 1 an à Nice
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samedi 9 août 2014

Vermeil

"Ainsi on se sentait en intimité avec ces personnages ? Ainsi pensait-on que c'était l'un des meilleurs films du New-Yorkais agité ? Que s'est-il passé pour que soudain la familiarité éprouvée laisse place à une légère gêne ? Comme si on était vexé d'avoir supposé d'importants enjeux à un film qui semble n'en avoir plus aucun. Trois soeurs sous le patronage lointain de Tchekhov, trois vagues intellos normalement névrosées et bourgeoises, dont Woody Allen tresse les affaires de cœur à la manière d'un diariste aux aguets. L'aînée (Mia Farrow) est trop parfaite, ce qui autorise son entourage à déconner un max. Son mari (Michael Caine dans le rôle d'un type à la veulerie ordinaire) la trompe avec l'une de ses sœurs (Barbara Hershey), tandis que la troisième (Diane West), promise au rôle de la ratée, lui tape sans arrêt du fric et de l'énergie affective. Quelque chose dans cet habile portrait en triptyque le laisse incomplet, insuffisant, mais quoi ?

On ne peut reprocher au film sa lourdeur psychologique, puisque sa caractéristique est justement de l'éviter élégamment, en incorporant en contrepoint humoristique la chronique d'un hypocondriaque désarmant, Woody Allen himself se coltinant sarcastiquement la peur suprême de la mort. Deux registres se partagent ainsi le récit, éprouvant mutuellement leur justesse. Beaucoup de comédies dramatiques ne résisteraient pas à l'irruption d'un comique lâchant une bonne vanne, certaines au contraire expulseraient sans mal l'intrus repentant. Woody Allen cherche depuis toujours le point d'équilibre où le sérieux de l'existence et sa critique comique pourraient, au contraire, se nourrir mutuellement, devenir un miroir réciproque. Mais dans Hannah et ses sœurs, la confrontation-fusion n'a pas vraiment lieu. Le film demeure scindé en deux droites parallèles qui s'ignorent et ne se réunissent qu'artificiellement à la fin. En fait, rien ne manque à Hannah et ses sœurs, c'est juste que sa problématique et son optimisme ont pris un coup de vieux, car la vie, le cinéma, et Woody Allen lui-même nous ont appris depuis un autre cynisme, un autre désespoir, une terrible misanthropie. Hannah aujourd'hui ne fait plus le poids, la tendresse est à réinventer." (Isabelle Potel, liberation.fr)